Je suis un grand ignorant de l’Art, ce qui m’est parfois nécessaire et salvateur pour pouvoir réinventer la roue en toute sérénité.
Je cherchais hier des informations sur les différents courants artistiques contemporains depuis les années 2000, question de ne pas tomber totalement de la Lune quand je serais amené à devoir y faire référence. Je suis tombé sur une citation de Philippe Lejeune (qui a le bon goût d’être né comme moi un 15 Novembre), dont l’objet était de séparer les Beaux-Arts de l’Art Contemporain. Au vu du parcours du monsieur, on peut comprendre qu’il ait eu besoin, avec une certaine virulence réservée, de bannir l’Art Contemporain des Art « nobles ».
Une phrase m’a particulièrement touché « Soucieux de modernité, désireux surtout de se débarrasser d’un impératif aussi lourd à porter que la beauté, la querelle des anciens et des modernes que nous vivons consiste tout simplement à supprimer la référence à la beauté. »
Vierge de tout savoir sur l’Art Contemporain et sa révolte, je n’ai dans mon souvenir que celui d’une volonté réelle justement de s’émanciper de la beauté et de déconstruire tout ce qui avait été parole d’évangiles, canons, règles. J’ai longtemps été moi-même de ces réactionnaires classicistes reniant à l’art contemporain tout droit de cité n’y voyant qu’une excentricité du XX° siècle qui aurait tôt fait d’être engloutie dans les strates du temps.
A dire vrai que pèseront le Réalisme Cynique ou le Superflat dans un siècle face aux œuvres de Vinci, Van Gogh ou Rodin ? Au sens propre comme au figuré. Une statue de 4m de haut a plus de chance de traverser les âges qu’un complexe montage en mouchoirs en papier. L’Egypte Ancienne était-elle traversée par des contre-courants artistiques dont nous ne sauront jamais rien du fait de leur sur-conceptualisation et de leur absence de support pérenne ?
Je ne doute pas que ce sujet ait déjà été abordé par des étudiants acharnés et des artistes reconnus. Et la question de l’éphémère de l’œuvre a déjà été traitée en long en large et en travers.
Cependant si les « beaux-arts « pour reprendre l’expression de Philippe Lejeune, s’opposent à l’Art Contemporain, il s’enracine tout autant dans le temps. Les structures massives et métalliques craignent la rouille et l’usure mais elles ont une bonne chance d’être redécouvertes en cas de cataclysme. Les idées qui les ont portées en revanche, sont solubles dans le temps car n’ont comme supports que leurs inventeurs (puisque seul l’artiste est apte à comprendre son œuvre, le reste n’est que conjectures).
Il suffit de prendre comme exemple les œuvres d’art exposées dans chacune des stations du métro lyonnais. Récemment une campagne a permis de coller à côté des œuvres une petite explication et un rappel de leur sens. Heureusement, parce que la première surprise fut de constater que ce que l’on avait pris pour un déco kitsch des années 70 était en fait une œuvre avec un symbolisme réel. Et encore, il y a 40 ans il ne fallait pas un traducteur d’ondes cérébrales et quelques pilules de LSD pour suivre le cheminement d’un artiste en regardant son travail.
J’en viens (enfin) au propos réel de cet article. Si les arts dit « classiques » traversent les âges, ne sont-ils pas capables, avec lenteur mais régularité, de connaître une évolution au fil des civilisations puisqu’ils restent présents physiquement et culturellement, tandis ce que les arts « rebelles », seraient condamnés à se répéter puisque perdus et donc systématiquement à réinventer ?
En ces jours où les penseurs de l’art contemporains semblent fonctionner en 5 dimensions, égarés loin du monde réel, après avoir tellement déconstruits qu’ils n’ont pas même un tabouret pour s’asseoir mais l’idée d’un tabouret, je me demande, très modestement et dans mon coin, s’il ne serait pas devenu du rôle de l’artiste de réintroduire le beau dans le quotidien de l’homme de la rue, qui en a lourdement besoin, plutôt que de se perdre dans des abimes de réflexions déstructurées qui confinent le plus souvent à un dialogue entre le créateur et son ego.
Le Street Art, le Land Art font alors figure d’actes messianiques à la portée de tous là où le Stuckisme devient une arme de guerre entre artistes dont les gens « normaux » ne sont que des victimes collatérales.
Il est bon de créer pour l’humanité et non pour son Artistocratie.